Où en est le projet e-résidence lancé par l’Estonie ?

Le projet e-résidence de l’Estonie est un programme lancé le 1er décembre 2014 par le gouvernement de l’Estonie, et qui permet à n’importe qui n’ayant pas la nationalité estonienne de bénéficier d’une identité numérique. 

L’intérêt ? Accéder à des services en ligne, notamment, établir une entreprise estonienne en ligne, administrer l’entreprise depuis n’importe où dans le monde, effectuer des opérations bancaires électroniques et des transferts d’argent à distance, accéder aux fournisseurs de services de paiement en ligne, signer numériquement des documents et des contrats, vérifier l’authenticité des documents signés ou encore chiffrer et transmettre des documents en toute sécurité.

Le sujet a largement été couvert par la presse, ici, là ou encore là, ou directement par le managing director de e-Residency, par des voyages d’études organisés sur place. Il est même possible de consulter un tableau de bord en ligne permettant de savoir où le projet en est.

Le programme s’inscrit, depuis 2001, dans la bascule numérique de ce petit pays de 1,3 millions d’habitants vers un modèle dont l’organisation de l’administration publique se résume en une vidéo :

Il est tout d’abord intéressant de noter le chemin accompli entre le projet Safari en France, qui consistait à interconnecter les données personnelles des administrés autour d’un identifiant unique, et qui donna naissance, pour s’y opposer, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (notre chère CNIL) et la possibilité, aujourd’hui, de repenser l’intégralité des relations entre les administrations publiques d’un état et ses citoyens, où la question des données personnelles n’a d’ailleurs pas été mise à la trappe. D’ailleurs, il est impossible de comprendre la réussite d’un programme comme celui-ci sans percevoir combien le citoyen a été placé, dès l’origine, au centre du fonctionnement d’un tel système.

A quoi ça sert ?

Aujourd’hui, lorsque vous passez par les services d’une administration publique, les mêmes informations vous sont toujours demandées : nom, prénom, adresse, date de naissance etc. Pour parler de mon expérience personnelle, je suis enseignant vacataire dans une université parisienne et chaque année, il m’est demandé de remplir le même formulaire, très complet, et de fournir toujours les mêmes pièces administratives, passeport, RIB, etc. Etant en profession libérale, je suis en relation avec les URSSAF, le RSI, la CIPAV, qui, je peux vous l’assurer, ont énormément de mal à communiquer entre elles. En réalité, toutes ces administrations ont leur propres bases de données mais elles ne communiquent ni entre elles, ni avec des tiers.

La philosophie de la plateforme X-Road est de permettre à toutes ces bases de données de communiquer entre elles, faisant ainsi gagner du temps à l’utilisateur du système, mais également aux administrations elles-mêmes. X-Road permet à des systèmes d’information disséminés dans de multiples administrations d’échanger des données de manière sécurisée et décentralisée. Aujourd’hui, quelque 1800 services administratifs estoniens s’appuient sur un seul registre distribué et X-Road se targue d’économiser l’équivalent de 800 ans de travail (administratif) chaque année.

Le X-Road a été lancé par le gouvernement estonien dans les années 1990 pour créer un environnement sécurisé et standardisé pour l’interopérabilité gouvernementale, permettant un échange de données sécurisé entre les systèmes d’information et les bases de données des différentes organisations. La première version a été développée par Cybernetica et lancée en 2001.

Et La sécurité dans tout ça ?

Arnaud Chastaignet, responsable des relations publiques du programme e-residency, explique que chaque estonien peut savoir très précisément qui consulte ses données personnelles, et la raison pour laquelle ces données sont consultées. Lorsqu’elles circulent entre les différentes administrations, les données sont signées électroniquement et chiffrées. Lorsqu’un Estonien utilise le service numérique d’une administration, les données sont authentifiées et enregistrées de manière totalement sécurisée. Par exemple lorsqu’un enfant naît, son numéro d’identité est automatiquement généré et transmis au différents services de l’Etat, au point que, lorsqu’il aura l’âge d’entrer à l’école, la plateforme pourra même signaler à l’Education nationale que l’enfant doit être inscrit à l’école.

En 2011, l’Estonie a décidé de faire évoluer la plateforme X-Road vers un registre distribué de type blockchain privé, renforçant la sécurité du système : il est dorénavant impossible pour quiconque de modifier des données à l’insu de son utilisateur.

Evolution

Mais l’Estonie ne compte pas s’arrêter là. En octobre 2017, elle a annoncé un partenariat entre le programme e-residency et Bitnation, un projet open-source et décentralisé alimenté par la chaîne de blocs d’Ethereum dont l’objectif est « de favoriser un système de gouvernance participatif, volontaire et virtuel, en progrès sur modèle actuel de l’État-nation, rénovant les notions de frontière, de taille de la population et de l’appartenance par la naissance ». Source

En s’authentifiant grâce à leur identité d’e-resident, les utilisateurs ont la possibilité d’utiliser un service de notariat, Public Notary, et de signer des contrats commerciaux. Kaspar Korjus, directeur du programme e-Residency explique que « les services de la blockchain n’ont une vraie valeur que si l’identité des auteurs qui ont inscrit quelque chose sur les maillons est authentifiée ; on sait que les personnes ayant souscrit à un contrat enregistré sur la blockchain de Bitnation sont bien ceux qu’ils prétendent être car pour accorder l’e-résidence, l’Estonie vérifie l’identité et fait une vérification des antécédents« . Ces contrats seront donc opposables et admis en tant que preuve devant un tribunal, qui admet déjà les mails ou les accords verbaux pour prouver l’existence d’un contrat entre deux personnes.

Aujourd’hui, X-Road est aussi implémenté en Finlande, en Azerbaïdjan, en Namibie et dans les Îles Féroé. Depuis juin 2017, un accord a été signé entre l’Estonie et la Finlande. Les deux pays échangent automatiquement des données sur des registres commerciaux, l’état civil, l’assurance maladie et des données maritimes.

Et la France dans tout ça ?

La promesse du gouvernement d’Emmanuel Macron est ambitieuse puisque 100% des démarches administratives devraient être dématérialisées d’ici 2022. Un voeu pieu ? En tout cas, le premier voyage de son premier ministre fut…

 

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