Est-il possible de réserver en ligne sans passer par une plateforme de réservation ?

Réserver… un hôtel ou un appartement, des bureaux, une salle de réunion, un studio de musique ou une galerie d’art. Réserver… un vélo, une trottinette, une voiture, un train, un avion, un bateau, un taxi. Réserver… une place de cinéma, de théâtre, de musée, de spectacle. Réserver… un restaurant, un traiteur… Cette liste à la Prévert pourrait encore continuer. Sur le web, tout se réserve. Ces services sont d’ailleurs devenus le cœur de métier de quelques géants du web, des plateformes de réservation, qui s’accaparent l’essentiel du marché selon leur domaine d’activité, à l’instar de Booking.com et Expedia pour les hôtels.

S’appuyer sur une blockchain pour sécuriser la réservation d’un service entre une entreprise et un utilisateur permettrait de se passer d’intermédiaire, et donc de la commission correspondante qui peut représenter 15 à 35% du prix final.

C’est l’ambitieux pari d’une entreprise créée en 2017 par Vidal Chriqui et Hervé Hababou qui développe un protocole open source appelé BTU Protocol et implémenté sur la blockchain Ethereum.

Ethereum est une blockchain de deuxième génération, inventée en 2015 par Vitalik Buterin. Ce protocole d’échanges décentralisés permet la création de « smarts contracts » qu’il convient de traduire en français par « contrats autonomes » ou, selon son inventeur, « scripts persistants ». Ces contrats autonomes permettent de vérifier et de mettre en application des accords mutuels qui sont enregistrés et consultables publiquement dans la blockchain d’Ethereum. L’intérêt de ces contrats est qu’ils sont autonomes, répliqués dans tous les nœuds de la blockchain, et que, bien sûr, leur exécution ne passe pas par un tiers de confiance pour en garantir la validité. Ethereum met à disposition le standard ERC20, sur lequel pratiquement toutes les ICO s’appuient, ces fameuses levées de fonds en crypto-devises. Mais il existe d’autres protocoles Ethereum, comme l’ERC-721, dont le token n’est pas fongible, l’ERC-1202, un protocole de vote ou encore l’ERC-808, qui nous intéresse ici, un protocole décentralisé de réservation inventé par BTU Protocol.

 

Ainsi, plutôt que s’attaquer au monopole des plateformes de réservation en créant une blockchain dédiée ou encore un token adossé à une blockchain existante, BTU Protocol propose un standard de réservation sur la blockchain publique Ethereum pour que n’importe quelle application décentralisée ou site web puisse l’intégrer et facilement l’utiliser.

L’écosystème proposé par BTU Protocol prévoit ainsi l’utilisation d’un smart contract fonctionnant sur la blockchain Ethereum, un module à intégrer pour l’entreprise qui propose un service à réserver ou à louer ainsi qu’un jeton, le BTU token, qui sécurise les transactions dans le système. L’objet du jeton BTU est plus d’encourager les comportements appropriés, tels que récompenser les réservations réussies et faire respecter les règles en matière d’annulation tardive et de non-présentation que de spéculer sur sa valeur.

L’occasion nous a été donnée de rencontrer Vidal Chriqui pour en apprendre plus sur BTU Protocol et ses perspectives de développement.

Blockchain__X : Vous avez créé BTU Protocol en février 2018, quel a été votre parcours auparavant ; quand et comment vous êtes vous intéressé aux blockchains ?

Vidal Chriqui : J’ai découvert le Bitcoin par hasard en 2011. En tant qu’ingénieur et architecte qui avait travaillé sur des systèmes distribués, c’était pour moi une découverte fantastique, un chef d’oeuvre d’architecture informatique qui proposait une solution économique à certains problèmes (attaques sybilles) que la technologie ne savait pas résoudre.

Je me suis progressivement passionné pour le sujet grâce à des podcasts et aux ressources disponibles sur Internet pour les développeurs … jusqu’à lancer la première web-série francophone sur le sujet : Blockchain Révolution. J’ai participé à beaucoup d’initiatives, d’évangélisation et travaillé comme conseil sur le lancement de plusieurs émissions de tokens en France et à l’étranger.

Ce qui me passionne avant tout, c’est que nous assistons à la naissance d’un nouveau modèle d’entreprise, de création et de partage de valeur.

L’aboutissement de mon parcours dans cet écosystème est le lancement de BTU Protocol dont nous allons parler aujourd’hui.

BTU Protocol remet en cause les plateformes de réservation centralisées. En une phrase, comment présenteriez-vous BTU Protocol ?

A l’image du bitcoin qui a introduit le paiement pair-à-pair et la disruption des banques, BTU Protocol a introduit la réservation pair-à-pair et la disruption des plateformes de réservations en ligne.

Dit autrement, BTU Protocol propose un circuit-court (ou plus court) pour tous les types de réservations.

Le grand public connaît déjà le circuit-court agricole : plutôt que d’acheter ses aliments à l’hypermarché, on les achète en direct auprès de l’agriculteur. BTU Protocol étend cette logique à tous les secteurs : ainsi, on peut par exemple désormais réserver une nuitée directement chez un hôtelier plutôt que passer par une plateforme monopolistique et se voir dicter une commission élevée.

En proposant un protocole de réservation fonctionnant sur la blockchain Ethereum, vous permettez à des entreprises et des clients d’effectuer des transactions sans passer par un intermédiaire. L’écosystème que vous avez imaginé repose sur des blogueurs, des influenceurs, des groupes médias ou encore des développeurs et des éditeurs de logiciel qui vont intégrer votre outil afin de proposer, à leur audience, de réserver un service ou un bien. Or, pour le client final, la plus value d’une plateforme centralisée est justement de retrouver, en un seul endroit, l’offre la plus large possible. Comment répondez-vous à cette problématique ?

Nous ne sommes pas contre les intermédiaires, nous sommes juste contre les monopoles. En fait, BTU Protocol libéralise le métier d’intermédiaire de la réservation. Grâce à notre widget (ou à nos API pour ceux qui peuvent construire leur UX), tout le monde peut rentrer gratuitement dans le “métier” de la réservation hôtelière. Du coup, on brise les monopoles du secteurs et les commissions peuvent devenir plus « justes ».

Notre approche est très pragmatique : il n’y a pas assez d’utilisateurs capables de manipuler un protocole blockchain et un token, ces nouveaux intermédiaires sont nécessaires car ils permettent aussi de masquer la complexité de la blockchain à leur audience.

A terme (10 voire probablement 20 ans), quand tout le monde saura manipuler des protocoles blockchain, on pourra se passer d’intermédiaires et on basculera dans la réservation pair-à-pair la plus aboutie.

Votre service s’adresse donc plus aux affiliés qui vont intégrer votre widget de réservation sur leur site web qu’à l’utilisateur final qui effectue la réservation. L’intérêt pour l’affilié est de percevoir une commission et pour l’utilisateur final, de réaliser une opération de cash back sur le montant dépensé, payée en BTU Token. Comment cette commission est-elle calculée et que représente-t-elle par rapport à la commission des grandes plateformes de réservation ?

Oui, à ce stade de l’adoption blockchain, notre service vise les sites qui veulent monétiser leur audience et gagner des crypto-monnaies. Nous les appelons des « mineurs » dans une vision de type « generalized mining » car ils « minent » des clients pour les hôteliers ou tout autre fournisseur de service.

Pour les utilisateurs avancés (encore trop minoritaires) qui savent naviguer sur un “dapp-browser”, ils sont directement rémunérés pour leur utilisation du service.

De notre coté, BTU Protocol reverse intégralement la commission donnée par les fournisseurs de services (hôtel, etc…) car le modèle est à 0% de commission pour BTU Protocol.

En octobre dernier, BTU Protocol a lancé à Paris un service de réservation d’une voiture à bas coût, en partenariat avec la société de location de voitures « 2A4R Auto ». Quels sont les retours aujourd’hui ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

La flotte a été est intégralement louée en décembre 2018 et l’année 2019 a très bien démarrée. Cette première mise en production nous a permis de faire gagner de la maturité à notre logiciel et préparer une mise en production plus massive dans le secteur de l’hôtellerie.

Coté loueur, les conditions commerciales ont été revues pour favoriser de la location à la semaine ou sur des plus longues durées. Pour les locations moyenne durée, le service a diminué de prix (16 euros par jour en moyenne), mais pour des “journées isolées”, le prix a augmenté. Pour rappel, nous sommes uniquement, le protocole de réservation, ce sont les fournisseurs de service (ici le loueur de véhicule) qui fixent les conditions tarifaires.

Vous avez lancé le 7 janvier 2019 « BTU Hôtel », un service qui permet de réserver sans commission un hôtel parmi plus de 2 millions à travers le monde. Vous vous êtes appuyés sur un éditeur de logiciel qui agrège 110 sources de données dans la réservation hôtelière à destination des grands comptes et des agences de voyages. Quel est leur intérêt de proposer des offres sans commission pour eux?

Grâce à BTU Protocol, l’éditeur de logiciel en question a pu étendre ses canaux de distribution en diffusant son inventaire exhaustif sur des nouveaux segments de clients qui ne sont pas adressables aujourd’hui par une structure commerciale « traditionnelle ». L’avantage est très concret en terme de nouveau business généré.

A noter que le service BTU Hotel est un service qui nous permet d’avoir des retours utilisateurs et améliorer les widgets que nous diffusons via des sites à fort trafic.

BTU Protocol peut également s’appliquer au commerce de bouche. Parlez-nous de votre démonstrateur avec la Maison GK. De quelle manière pourrait-il se généraliser sur ce secteur ?

Il s’agissait pour nous d’un pilote pédagogique pour illustrer le fait que notre protocole s’applique à beaucoup d’autres industries que celle du voyage dont nous parlons beaucoup quand nous donnons des exemples.

Ce démonstrateur a permis de prendre des contacts dans l’industrie de l’épicerie fine qui est très concernée par le circuit court et qui comprend parfaitement les enjeux de notre technologie. Nous espérons étendre rapidement ce pilote.

Vous avez réalisé une importante ICO, de l’ordre de 5,5 millions de dollars. A quoi ces fonds sont-ils destinés et quel est le modèle économique de BTU Protocol ?

Les fonds récolté par notre vente de tokens sont destinés au développement du protocole, à son déploiement et à sa promotion. Nous avons aussi monté un fonds d’écosystème pour accélérer les projets connexes clés qui sont nécessaires au bon fonctionnement de notre protocole. Ainsi, nous avons participé au récent tour de table de Coinhouse, partenaire clé pour l’adoption des crypto actifs par les entreprises utilisatrices de BTU Protocol.

Quant à notre modèle économique, il est très direct : notre objectif est de créer de l’usage afin de valoriser notre token et la réserve (20% de la supply) de la société. C’est l’appréciation (à terme) du token BTU qui permettra de faire perdurer notre écosystème.

Comment voyez-vous l’avenir de la réservation en ligne et quelles sont vos pistes de développement ?

Nous pensons que la réservation du futur va être décentralisée (en terme de canaux) et que notre protocole contribuera à rendre les commissions de ce secteur plus juste. Aussi, la réservation se fera sur des nouveaux canaux tels les assistants vocaux disponibles sur tous les appareils de la maison, également depuis les tableaux de bord des automobiles de la future génération et enfin via les micro-influenceurs.

Pour les utilisateurs, nous basculerons progressivement d’un intermédiaire subi (monopole) à un intermédiaire choisi (micro-influenceur ou nouveaux médias).

Merci !

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